Mesdames, Messieurs les candidat.e.s à la Mairie de Paris,
Deux ans après le lancement de la pétition pour le maintien des architectes-voyers au service de Paris que plus de 2 700 personnes ont signée, le corps des architectes-voyers est aujourd’hui en voie d’extinction lente dans l’ignorance de tou.te.s. Si la pétition a conduit au retrait de la délibération qui prévoyait leur disparition, elle n’a malheureusement pas permis de relancer le débat sur la gestion de notre corps, le recrutement par voie de concours et le renouvellement de nos missions pour répondre aux attentes d’aujourd’hui et aux évolutions de demain sur la ville et la Métropole du Grand Paris.
Recrutés par concours public depuis 1898, les architectes-voyers de Paris contribuent à la qualité de la ville, de ses espaces publics et de ses constructions. Attachés au service public, ils le défendent journellement par leur expertise en matière de construction, de salubrité du bâti, d’aménités urbaines, de patrimoine, de droit des sols et de l’urbanisme, d’environnement, de paysage, d’évaluation foncière, de programmation des équipements publics et des logements aidés. Par leur écoute, leur respect des différents intervenants du territoire et leur savoir-faire, ils œuvrent au quotidien à la fabrication de la ville.
L’absence de concours de recrutement depuis 2009 a conduit à une diminution de plus d’un tiers du nombre d’architectes-voyers dans les services de la Ville (85 en 2009 ; 55 en 2020) ce qui n’est pas sans répercussion sur l’organisation des directions, le service rendu aux Parisien.ne.s et plus largement sur la fabrique de la Ville et sa gestion.
Nous ne pouvons que nous interroger sur :
- la réduction du nombre d’architectes-voyers chargés des demandes d’autorisations d’urbanisme et l’évolution du nombre de recours contre les décisions ;
- l’affaiblissement des services experts de la Ville en charge des études urbaines, architecturales et foncières, et son impact sur la qualité du PLU de Paris, la faisabilité des opérations et la qualité des constructions ;
- le maintien de la qualité des logements sociaux et de la lutte contre l’insalubrité dont les moyens sont amenés à se réduire prochainement ;
- la quasi-disparition des architectes-voyers dans les services de voirie et des espaces verts qui assurent des aménagements d’espaces publics de qualité durable.
Paris, ville-monde, est aussi la ville des Parisien.ne.s dont les attentes pour un cadre de vie de meilleure qualité sont fortes et dont la mobilité croissante ne s’arrête pas aux portes de Paris. Aujourd’hui, le Grand Paris est le territoire pour répondre aux grands défis de demain que sont la résilience et les transitions écologique et énergétique pour tendre vers une ville bas-carbone en 2050.
Paris ne s’est pas faite sans architectes et ne peut se faire sans les architectes-voyers que tant d’autres villes envient. Si Paris est la ville la plus filmée au monde, pour l’authenticité de certains de ses quartiers, et la deuxième ville la plus visitée au monde, pour la richesse de ses monuments historiques et la qualité de ses paysages urbains, c’est qu’elle a su aussi préserver la valeur architecturale, urbaine et paysagère de ses quartiers en les adaptant aux nouveaux modes de vie des parisien.ne.s. C’est une construction à la fois sociale et culturelle à laquelle ont participé des générations d’architectes-voyers.
Ce Paris-là est pourtant fragile et peut disparaître si on n’y prend garde. Il est désormais soumis aux dérèglements climatiques et environnementaux et à un cortège florissant de règlementations de plus en plus exigeantes. Paris et le Grand Paris sont le territoire d’attentes très fortes et la bonne échelle pour apporter des réponses cohérentes à ces grands changements.
Pour leur part, les architectes-voyers ont contribué à la beauté de ce Paris et ont transmis au fil des générations un savoir-faire et une connaissance fine et intime de ce vaste territoire. Mettre son art au service de la beauté de Paris pour créer le patrimoine du futur, un patrimoine architectural, urbain et paysager, qui saura résister au temps et aux modes dans une approche globale et systémique, telle est leur vocation.
À terme, se priver des architectes-voyers, c’est renoncer à leur connaissance, leur savoir-faire et à leur technicité. C’est renoncer, dans une situation de complexité, à une expertise publique forte capable de relever les défis écologiques et environnementaux, alors qu’ils ont toujours œuvré au nom de la qualité de la ville, participé à façonner ce Paris d’aujourd’hui tant apprécié et qu’ils pourraient tant apporter à son renouvellement.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il est urgent de relancer le recrutement d’architectes-voyers par voie de concours ainsi que des discussions avec l’administration sur la portée de nos missions afin de répondre de concert avec la Ville aux défis de demain. Nous souhaitons connaître votre position sur ces sujets.
Dans l’attente, nous vous prions de croire, Mesdames, Messieurs les candidat.e.s à la Mairie de Paris, en l’expression de notre considération distinguée.
À Paris, le 6 mars 2020
Les architectes voyers de Paris
Message de David Belliard, candidat « l’écologie pour Paris »
Réduire le nombre des interlocuteurs experts en architecture urbaine est tentant mais ne constitue en aucun cas une garantie d’amélioration de la vie quotidienne des citoyens pour qui la ville est prioritairement faite et vis à vis desquels doivent s’insérer les autres préoccupations urbanistiques et non l’inverse, sauf à transformer la cité en un gigantesque carrefour voué à une exploitation économique sans limites, totalement incompatible avec les équilibres climatiques et biologiques indispensables à la préservation du vivant sans lequel la cité n’a aucun sens.
Si je salue ce texte bien rédigé (quoique, à mon humble avis, un peu long), je rappelle, qu’en l’espèce, l’avenir des architectes voyers est dans le bulletin de vote que nous mettrons dans l’urne les 15 et 22 mars prochains…et qu’il y a des choix plus conséquents que d’autres…
La situation actuelle résulte d’un « repli identitaire » des architectes-voyers de la Ville de Paris, qui ont refusé d’être intégrés dans un grand corps technique regroupant architectes et ingénieurs.
Je ne peux que le déplorer.
Denis CAILLET.
Vouloir se passer de grands professionnels comme les architectes voyers de Paris, c’est à peu près aussi intelligent que de vouloir un système de santé qui se passerait des médecins. La réforme décidée sans concertation pour tuer le corps des architectes voyers s’inscrit dans la logique purement libérale de privatisation de l’aménagement de Paris voulue par l’adjoint à l’urbanisme.
C’est une catastrophe annoncée à moyen terme et un jour, beaucoup reconnaîtront que c’était une hérésie mais il sera trop tard.