50 ans après son passage du statut de capitale gouvernée par des préfets à celui d’une municipalité élisant son maire et 8 ans après la création officielle de la Métropole du Grand Paris dont le périmètre fait toujours question, un certain scepticisme, voire de l’indifférence, caractérise aujourd’hui les débats liés à la gouvernance et au futur de Paris et du territoire métropolitain mal identifié dont il reste le centre incontesté.
Pour comprendre les racines de la crise du modèle parisien et tracer des perspectives ouvertes pour Paris et le Grand Paris, le Collectif Fluctuat propose dans l’ouvrage qu’il vient de faire publier Pour en finir avec le petit Paris des analyses croisées issues de disciplines différentes (architecture, géographie, ingénierie, mobilités, paysage, urbanisme, sociologie…).
Universitaires, chercheurs, anciens élus, responsables d’administration, historiens, consultants, maîtres d’œuvre, les auteurs ont été ou sont personnellement impliqués dans la vie de la capitale. Tous sont passionnés et interpellés par les évolutions récentes de la ville, notamment la dégradation progressive de l’espace public parisien dont les pratiques sont devenues indéchiffrables.
Même si la distance qui s’est installée dans le champ démocratique entre prescripteurs et citoyens n’est pas propre à Paris et à sa région urbaine, toutes les polémiques qui ont largement animé l’opinion publique, des ouvrages critiques, la presse et les réseaux sociaux ont amenés le collectif à réfléchir aux causes de ces dérives dans une ville qui a toujours prôné une forme de leadership dans l’excellence.
Par ailleurs, au-delà de l’actualité fluctuante du Grand Paris, comment espérer amorcer un nouveau cycle, à quelle échelle et avec quels acteurs, compte tenu des contraintes sociales, financières et politiques qui s’imposent aux métropoles confrontées à l’urgence environnementale ?
Guidés par la volonté de participer à une démarche constructive sans arrière-pensées politiciennes, le Collectif Fluctuat a voulu éviter les pièges d’une critique trop souvent centrée sur le triptyque sécurité-propreté-autorité et approfondir les effets contradictoires de la mondialisation auxquels Paris ne saurait échapper. Il a tenté de mesurer comment les dynamiques économiques et sociales, marquées par le sceau du libéralisme globalisé, ont influencé les choix de politique urbaine, et comment les outils et les périmètres d’intervention des acteurs publics se sont révélés inopérants et inadaptés à l’heure de la métropolisation et de la crise climatique.
Sa réflexion ne prétend pas à l’exhaustivité mais s’inscrit dans un moment où l’aménagement territorial du Grand Paris est en pleine redéfinition : mise en débat du Plan local d’urbanisme bioclimatique (PLUb) de Paris et des Plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) des autres communes, approbation du Schéma de cohérence territoriale métropolitain (SCoT), projet du Schéma directeur environnemental de la région Île-de-France (ou SDRIF-E), impact des Jeux olympiques de l’été 2024, difficile mise en application du dispositif Zéro Artificialisation nette (ZAN).
Pour en finir avec le petit Paris ne s’inscrit pas seulement dans la lignée désormais bien fournie d’ouvrages déplorant les transformations récentes de la ville, notamment par les regards portant essentiellement sur des questions d’esthétique que l’on retrouvera aussi dans plusieurs contributions. Il ne s’agit pas d’un récit linéaire ou d’un manuel, mais d’une somme de choix éditoriaux singuliers visant à apporter de brefs éclairages thématiques sur les ambiguïtés des résultats obtenus après trois mandatures de gauche à l’épreuve du pouvoir, et de la panne du débat métropolitain.
Constatant que la gauche parisienne aura été, qu’on le veuille ou non, un acteur contrarié du processus d’embourgeoisement — quand bien même elle s’est efforcée de développer l’habitat social et des politiques sociales généreuses en mobilisant de fortes ressources—, le Collectif Fluctuat ne peut esquiver la perspective des prochaines élections municipales de 2026 et la réforme annoncée du système électoral. Sans prétendre faire programme, il veut dépasser le cap de la simple critique d’une situation devenue dysfonctionnelle et favoriser les conditions d’un débat sur l’état de l’édifice et les inflexions souhaitables.
Les différents articles tentent d’éclairer l’actualité des vingt-cinq dernières années en abordant les thématiques qui structurent les polémiques, les choix politiques et les réactions de l’opinion publique : densité et forme urbaine, construction de logements, dynamiques de gentrification, évolution des mobilités et des enjeux circulatoires, usage et traitement des espaces publics et des espaces verts, adaptation à la crise climatique, financiarisation et privatisation de l’aménagement, impasse budgétaire, relations entre Paris, la métropole et le Grand Paris, rôle de l’État…
Les membres du Collectif Fluctuat s’expriment en toute liberté d’écriture, avec pour seule visée d’alimenter le débat à l’intention d’un public dépassant le cercle des spécialistes. Chacun a porté dans son domaine de prédilection et de compétence une analyse historique de l’adaptation de la ville à la pression des investisseurs internationaux dans un espace contraint.
Collectif Fluctuat
Daniel Behar, Emmanuel Bellanger, Dominique Bourg, Marco Cremaschi, Martine Drozdz, Mathieu Flonneau, Françoise Fromonot, Bernard Landau, Raphaël Languillon-Aussel, Magda Maaoui, Pierre Mansat, Elsa Martayan, Gwenaël Querrien, Antonine Ribardière, Simon Ronai, Chiara Santini
A lire (Disponible dans toutes les bonnes librairies) : Pour en finir avec le petit Paris, Archicity 2024.
Débat : Le jeudi 23 janvier, de 18h00 à 20h00, dans le grand Amphi de l’Institut de Géographie, 191 rue St Jacques, 75005 Paris.